Les brunes : F comme...
F comme FEMME ? "Je ne sais pas s'il m'eût jamais été possible d'aimer une femme brune autant qu'une blonde : il m'a toujours semblé que la femme brune était un garçon manqué. " Un personnage d’Honoré de Bal Dans un couple parfait, l’homme est brun et la femme blonde. Après Adam et Eve, Ken et Barbie, ou leur variante réelle Bernard-Henri Lévy et Arielle Dombasle, en sont une éclatante illustration. Le sombre sied à la vigueur et à l’intellect masculins, le clair à la douceur et à la fragilité, qualités supposément féminines. La répartition sexuée en fonction de la couleur des cheveux est si vraie que le Littré (1872) propose « efféminé » comme synonyme de « blond » : Il est délicat et blond, se dit de quelqu'un qui est délicat, les blonds passant pour peu robustes. Mme de Sévigné a employé cette locution figurément au sens de peu solide, en parlant de la réputation : Je trouve la réputation des hommes bien plus délicate et blonde que celle des femmes, Lett. 28 juillet 1677. Au XIXe siècle, la blonde de quelqu'un désigne sa « petite amie ». Cette acception perdure au Québec. Femme et blondeur en viennent à se confondre. Dure et brune, douce et blonde : le cliché est tenace. Au XVIIe siècle, les traités de physiognomonie[1] soulignent ce caractère. Claude de Le cliché apparaît sans fard sous la plume de Louisa May Alcott, dans Les Quatre Filles du docteur March. Quatre filles, quatre caractères. Ainsi vend-on le roman et ses dérivés, film et dessin animé. A ces quatre tempéraments correspond une couleur de cheveux qui le symbolise. Meg, l’aînée sage et raisonnable, a des cheveux clairs (fair). De Beth la timide, on indique seulement que sa chevelure est lisse. Amy, la coquette, a des cheveux paille (yellow). Jo, le garçon manqué aspirant à devenir écrivain, est brune. Seule la première, blonde sans excès, est belle. Mais Jo sera l’héroïne. Vigoureuse, masculine, elle est aussi l’intellectuelle de la famille. Etre un garçon manqué n’est pas seulement un défaut : il fait rejaillir sur la brune les qualités que s’octroie habituellement la gent masculine. Joan Crawford, Elisabeth Taylor ou Claudia Cardinale : les brunes sont présentées comme des femmes de tête. Le constat de leur virilité, dans la bouche des hommes, n’est certes pas une louange. Mais rien de plus aisé que de transformer un défaut en éloge : il suffit de reprendre la tare à son compte et de l’assumer. Ainsi cette déclaration délicate de Selma Hayek : Je me marierai quand j’aurai rencontré un homme qui a de plus grosses couilles que moi ! Elle est toujours célibataire. Extrait du prochain ouvrage d'Elsa Marpeau : Le Petit Livre des brunes (éd. du Panama, janvier 2007)